Le 8 mai dernier, le groupe Ecolo j Huy-Waremme organisait une soirée ciné-débat sur l’agriculture avec la participation d’intervenants de choix, à savoir : MM. Christian Schiepers et Gary Vanvinckenroye, respectivement agriculteur bio de Wanze et président des Jeunes Agriculteurs Wallons, ainsi que Madame Monika Dethier-Neumann, présidente de la Commission « Agriculture » au Parlement wallon et députée wallonne, et Madame Virginie Pissoort, représentante de l’ONG SOS Faim.
Le film projeté, réalisé par Marie-Monique Robin avait pour titre « Les moissons du futur ». Le documentaire nous présente un ensemble de projets mis sur pied par des particuliers sur différents continents, et qui s’articulent tous autour de l’agriculture biologique.
Parmi eux, un agriculteur mexicain cultivant du maïs sans aucun pesticides. Cette méthode, appelée la « milpa », consiste à faire pousser sur une même surface des haricots et du maïs, le légume jouant le rôle de catalyseur de l’azote pour la céréale.
La réalisatrice s’attarde par après sur les conséquences du traité de libre échange nord-américain (ALENA), entré en vigueur en 1994. Suite à ce traité, les importations de maïs en provenance des États-Unis ont augmenté fortement. En effet, les producteurs de maïs américains, largement subsidiés, peuvent vendre leur maïs à des prix très compétitifs à l’étranger, et notamment au Mexique. La quantité de maïs sur le marché mexicain augmentant considérablement, le prix de la céréale a chuté de plus de moitié. On ne pouvait qu’imaginer les conséquences pour les producteurs mexicains.
Un autre projet en parallèle, que la réalisatrice choisit de montrer, est situé à Nairobi, au Kenya. Ce dernier est développé avec le concours de l’ICRAF (centre mondial pour l’agroforesterie) et consiste à faire pousser sur un même sol une culture de maïs et des arbres légumineux, qui jouent à leur tour le rôle de catalyseur de l’azote pour la céréale.
La réalisatrice prend par après la direction du Japon. Le pays importe plus de la moitié des produits agricoles que consomme la population. Il reste néanmoins auto-suffisant pour le riz. La réalisatrice s’adresse à un agriculteur japonais ayant développé l’équivalent d’une AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) en France ou en Belgique. L’exploitation de ce paysan fonctionne en circuit totalement fermé. Il est étonnant de voir les techniques surprenantes auxquelles il fait appel pour ne par utiliser de grosses machines ni d’intrants Par exemple, pour labourer les rizières avant d’y placer les céréales, des canards sont lâchés sur toute la surface, leurs excrétions constituent, par ailleurs, un engrais naturel.
Le documentaire se veut une enquête résolument optimiste sur les remèdes possibles à la crise alimentaire qui touche la planète. Il loue de fait les vertus de ce système qui existe encore pour le moment (trop) en marge de l’agriculture conventionnelle.
La projection fut suivie par les interventions des personnes invitées, après s’être brièvement présentées, pour débattre avec la salle de la situation actuelle de l’agriculture en Belgique et partout dans le monde, mais aussi des alternatives qui existent pour rendre à ce secteur une dimension plus humaine et plus respectueuse de l’environnement.
Le président de la Fédération des Jeunes Agriculteurs Wallons, Gary Vanvinckenroye a tempéré l’engouement de la réalisatrice en se demandant si cette méthode était transposable partout dans le monde. Il a notamment exprimé ses doutes quant à la possibilité qu’un tel système fonctionne dans l’Europe occidentale. Par ailleurs, il a pointé le fait que le film ne parlait pas de l’élevage de bétail (à l’exception de l’utilisation des canards au Japon) en agriculture biologique.
S’il est possible de cultiver des céréales, le riz et le maïs entre autres, sans pesticides, la situation actuelle résulte donc clairement d’une pression intense exercée par certains lobbies à des niveaux décisionnels pour pousser les grands producteurs à utiliser les semences de grandes multinationales, qui nécessitent l’utilisation systématique de pesticides. C’est le point de vue développé en substance par Virginie Pissoort, représentante de SOS Faim, lorsqu’elle a évoqué un « système sur-verrouillé ».
Christian Schiepers, agriculteur bio de Wanze, abondant dans le sens de la réalisatrice, a estimé que les cultures associées telles que filmées dans le documentaire sont bien plus en accord avec le fonctionnement de la nature que ne l’est l’agriculture conventionnelle. Lui-même a, au cours des années, développé un système d’agriculture biologique qui fonctionne en grande partie, sinon totalement, en circuit fermé,
Monica Dethier-Neumann, présidente de la « Commission Agriculture » du Parlement wallon et députée wallonne, a, elle aussi, évoqué le problème des intrants imposés et qui contraignent les agriculteurs à utiliser uniquement certaines semences pour des produire des céréales qui seront cultivées en mono-culture, ce qui engendre l’utilisation systématique de pesticides, qui se retrouvent dans nos assiettes, et l’appauvrissement des sols ; les semences doivent par ailleurs être remplacées chaque année, ce qui représente un coût pour les agriculteurs.
Le débat suivant leurs interventions a soulevé plusieurs problèmes mais également des solutions.
Tout d’abord, les conditions financières représentent un premier obstacle pour qui veut s’installer en tant qu’agriculteur, le prix du foncier étant relativement élevé. Ensuite, la PAC (Politique Agricole Commune), décidée par les instances politiques de l’Europe et qui apporte une aide financière aux agriculteurs européens, se fonde, pour accorder des subsides, non pas sur le type d’agriculture ou sur l’utilisation ou non d’intrants mais sur la taille des exploitations (nombre d’hectares). De cette façon, l’Europe ne participe pas vraiment à aider les agriculteurs qui souhaitent proposer une autre façon de consommer.
Au niveau des solutions, les intervenants en sont venus à constater que le comportement des consommateurs pourrait changer si l’on faisait en sorte de prendre en compte les externalités de l’agriculture conventionnelle dans le prix de vente des produits. En effet, le fait de répandre ou d’utiliser toutes sortes d’intrants et la présence des mono-cultures ayant des conséquences néfastes directes sur l’environnement, pourquoi ne pas faire en sorte que cela soit pris en compte, d’une façon ou d’une autre. Il importe aussi, si l’on veut mettre en marche une transition sérieuse et durable, d’intégrer à la fois les consommateurs et les agriculteurs. Certains agriculteurs ont fait l’amorce d’un changement, d’autres pourraient leur emboîter le pas. Les consommateurs, s’ils deviennent de plus en plus conscients que leurs habitudes de consommation ne peuvent plus durer, doivent être convaincus que consommer différemment peut participer à une meilleure qualité de l’alimentation, un environnement beaucoup plus sain et une meilleure biodiversité, en d’autres mots : le respect de l’être humain, des animaux et de la planète. Ce n’est qu’alors que les quelques projets en marge prendront de l’envergure qu’une autre transition sera peut-être possible, qui touchera beaucoup plus de monde et qui n’aura peut-être plus rien à voir avec le système d’agriculture conventionnelle que l’on connaît aujourd’hui.
Cette (r)évolution nécessite cependant un réel accompagnement financier, politique et social des agriculteurs. Nous avons surtout pu constater que les jeunes agriculteurs étaient tout à fait ouverts au changement afin de retrouver une agriculture plus familiale, à condition d’obtenir un soutien suffisant des décideurs politiques, surtout européen.
Écolo j Huy-Waremme, pour sa part, continuera à tisser des liens avec le monde agricole de la région afin de trouver des solutions concrètes pour améliorer la situation des agriculteurs de manière durable et respectueuse de la planète et de ses habitants, animaux et humains !
Loïc Jamin, membre d’écolo j Huy-Waremme